La femme voilée

A peine réveillée, elle revêt son voile.
Elle imagine que la plupart des gens ignorent qui se cache derrière ce rempart, les gens ne voient que la partie visible, toute petite, un peu comme un iceberg. Ce qu'elle cache est immensément grand.
L'essentiel est invisible.
Certains le savent, d'autres s'en doutent, d'autres s'en foutent.

Le soir, elle quitte son voile, le pose non loin de son coeur.
Subir, ce mot elle le déteste, car il renvoie à l'impuissance, la chose qu'elle déteste le plus au monde.
Elle se dit qu'un jour, ce voile elle le jettera parce qu'elle aura réussi à admettre. Admettre l'inadmissible. Elle n'aura plus besoin de se cacher car elle sera libérée.


Aujourd'hui, elle porte toujours son voile, parce qu'elle n'est pas encore prête. Mais elle sent que le jour où elle n'en aura plus besoin approche. Elle fait des efforts, ça ne se fait pas tout seul. Ca prend du temps, beaucoup.


Son voile, tu sais, ça lui permet d'éviter que tu voies ses yeux se mouiller lorsque tu lui parles de certaines choses. Ne lui en veux pas de ne pas te féliciter alors que le commun des mortels le ferait. Parce qu'elle n'est pas commune.
Alors si jamais un jour, tu vois ses yeux briller un peu trop après lui avoir annoncé ta grossesse, ou si elle te répond de manière évasive après que tu lui aies demandé si elle a des enfants, ne lui en veux pas. Ne crois surtout pas qu'elle n'est pas contente pour toi ni qu'elle est froide. Regarde-la simplement, sans chercher à comprendre. Car il n'y a rien à comprendre.